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Le Cube est un centre pour les arts numériques
basé à Issy-les-Moulineaux. Issy - et son maire, André Santini
- revendiquent le statut de toute première ville "cyber" en
France. La municipalité à incorporé un grand nombre
de services administratifs sur le site web de la ville. Elle prétend être
la première commune à avoir célébré un
mariage en ligne.
Le Cube offre un programme diversifié de conférences, expositions,
et formations, ainsi que des ateliers où les gens peuvent travailler
sur leurs projets. Néanmoins ses activités dépassent
largement ce cadre, car il offre aux artistes des résidences leur permettant
d'effectuer des recherches sur différents thèmes. Le Cube a été créé par
l'association ART3000, sous l'égide de Nils et Florent Aziosmanoff
et Stéphanie Fraysse-Ripert. Depuis plus de dix ans, ART3000 organise
des colloques sur l'art numérique.
Le Cube occupe plusieurs étages d'un très joli bâtiment
moderne en béton, avec un intérieur spacieux et des plateformes
extérieures qui donnent l'impression d'un bateau aérien flottant
au-dessous du quartier environnant.
En 2002 le Cube m'a invité à réaliser une installation
pour le Festival 1er Contact, du 16 à 20 octobre. L'objectif du festival était
de placer des œuvres d'art numérique dans un cadre urbain, à l'extérieur,
avec un mobilier urbain spécialement conçu à cet effet.
J'ai donc travaillé sur Collido_scope durant tout l'été,
visitant Issy à plusieurs reprises afin de m'imprégner du lieu
et son être psychogéographique. J'avais décidé de
focaliser mon project sur le centre ville, l'environnement immédiat
de l'hôtel de ville, dans le quartier où l'exposition devait
avoir lieu. Ainsi l'œuvre serait exposée sur le lieu même
de sa création. J'ai passé un long weekend d'août à faire
des centaines de prises de vue, me dépêchant réguliérement
au Cube afin de vider mes cartes mémoire.
Un motif présent dans Collido_scope - et qui lui donne son titre -
est une fresque murale en carreaux de céramique, d'une geométrie
forte, dans un style années soixante ou soixante-dix, où elle
a été probablement édifiée. Je l'ai utilisée
comme fond pour la scène principale, l'image étant coupée
en deux, une moitié étant la réflexion de la fresque
par la façade en verre du Monoprix. Ainsi j'ai capturé les gens
entrant et sortant du magasin, avec le contrepoint de leurs réflexions.
Mélanger les images dans un fondu continu et aléatoire génére
l'effet kaléïdoscope.
Afin de prendre ces images, j'ai placé mon trépied dans une
entrée condamnée, avec mon appareil aligné au ras de
la façade. Un moment donné un monsieur élégant
est sorti du Monoprix et m'a sommé de fournir une preuve d'autorisation à photographier "chez
lui". J'ai commencé par lui expliquer qu'en termes d'espace urbain
j'étais sur le trottoir, dans le domaine public, puis j'ai pensé être
plus diplomatique en évoquant le festival. Racontez à un commerçant
que la mairie est dans le coup et la soumission s'en suit. Satisfait, il rentrait
dans son magasin.
En fait, l'emplacement choisi pour l'installation était juste là,
l'écran devant être placé devant le mur en céramique.
L'œuvre est lovée dans un élément de mobilier urbain à l'instar
des sucettes publicitaires - mais contenant dans ce cas précis un écran
plasma 42 pouces, un microphone, et un ordinateur puissant.
Par la suite j'ai dû traiter les images avec Photoshop et entreprendre
la programmation. En même temps, Magelis tournait à plein régime,
et j'étais occupé par ailleurs avec le projet A Corps et à Cris.
Je suis retourné au Cube une semaine avant le festival afin d'y travailler
en résidence, jour et nuit, parfois somnolant sur mon clavier, le soir à l'hôtel.
Au Cube j'ai travaillé dans la même pièce qu'un collègue
qui programmait trois chiens Aibo de Sony pour représenter Le Petit
Chaperon Rouge pour un œuvre comportementaliste de Florent Aziosmanoff,
directeur artistique du Cube et commissaire du festival.
Un matin, quelques jours avant l'inauguration, la productrice du festival
est venue en courant pour raconter que des ouvriers étaient en train
de démolir la fresque ! Elle a réussi à les stopper,
laissant le mur à moitié détruit. Le directeur du supermarché,
qui était en plein rénovation, avait décidé de
le démolir la fresque pour la remplacer par un panneau indiquant la
direction du parking. Malheureusement, le mur appartenait à l'immeuble
adjacent... quand j'ai suggéré qu'on pourrait sauver la mise
en ôtant certains carreaux pour rendre la démolition "esthétique",
on m'a expliqué que cela ne sera pas envisageable, car le mur constitue
désormais une pièce à conviction. Finalement on l'a caché partiellement
avec des planches blanches, mais le lien entre le tableau et son environnement, à travers
la fresque, est devenu brouillé. Une démonstration qu'un aspect
de l'art en milieu urbain est de prendre en compte sa nature imprévisible,
changeante. C'est la vie.
Après un nuit de café et d'aboiements Aibo, Collido_scope a été installé dans
sa "sucette" le matin même de l'inauguration du festival.
J'ai dû continuer la programmation in situ avec Roland Cahen de l'Ircam
pour que l'interface de captage sonore marche correctement, le clavier placé en équilibre
sur un chariot de supermarché sous une pluie légère.
Le festival totalisait dix installations, très différentes (voir le
site web de 1er Contact). Malheureusement
il n'a duré que cinq jours, car le coût de la surveillance des œuvres
et la location du matériel étaient très élevés.
Mais tout le centre ville à été transfiguré, fonctionnant
tel qu'un musée de plein air, les gens allant studieusement d'œuvre
en œuvre avec leurs catalogues. C'était un énorme plaisir.
On m'a rapporté qu'un magicien était venu voir Collido_scope
le samedi après-midi, il a fait que tous les gens présents à ce
moment là battent leurs mains à l'unisson, et ça a très
bien marché.
Collido_scope a été presenté une deuxième fois
au Cube, en mars 2003, pour la Fête de l'Internet. C'était une
occasion d'affiner l'interface sonore et de développer la dynamique
des scènes. En février 2004 il a été exposé à Toulouse
lors des rencontres Traverse Video. C'était l'opportunité pour
développer les aspects "rêve" de l'installation.
Crédits
conception, photographie, programmation : Joseph Rabie
programmation interface sonore :
Roland Cahen, avec l’environnement Jmax de l’Ircam (Centre Pompidou).
traitement d’image Photoshop : Lysiane Beaumel
remerciements :
Sylvie Rabie, Florent Aziosmanoff, Clarisse Bardiou, Nils Aziosmanoff, Stéphanie
Fraysse-Ripert et toute l’équipe du Cube, the Magelis team.
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