DES LEITMOTIV  |  PHOTOPIA

Comportements extravagants
devant la Tour Eiffel

[ Paris, Trocadero | 3 octobre 2006 ]

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Un grand nombre de touristes visitant Paris abordent la Tour Eiffel pour la première fois par la Place du Trocadero, large esplanade où la révélation du monument peut se faire dans des conditions convenablement dramatiques...

Arriver devant la Tour Eiffel est l'aboutissement d'une longue attente, un voyage longtemps rêvé, puis préparé et enfin réalisé, une impatience de long cours canalisée avec soin. L'arrivée à destination pousse à jouer un petit spectacle, les visiteurs investissent leur comportement avec des gestes porteurs d'une symbolique personnelle, voire comiques. Ils étirent leur géométrie corporelle en réponse à celle de la tour. Et pour ceux qui arrivent en amoureux, l'acte d'y être devient un témoignage de l'intensité de leur amour. Les photographies rituelles que les visiteurs prennent d'eux-mêmes servent à concrétiser cet instant dont la fugacité sera sous peu contemplée avec nostalgie.

Ce travail photographique s'apparente aux leitmotiv "genus loci" et "mélancoliques anonymes", dans la manière par laquelle la ville et ses sites accueillent ceux dont la présence est très brève.

Au moment où j'allais quitter le lieu, trois policiers en civil m'ont bondi dessus. Leur mode vestimentaire était de style "racaille". Ils voulaient savoir pourquoi j'ai photographé les gens, me demandant si je publirais mes clichés sur internet. Je leur ai expliqué le sens de mon travail. Ils ont alors fait part de leur intime conviction que je serais un criminel sexuel. Ils m'ont vu photographier la dame en robe rouge. Ils ont confisqué mon appareil photo et tout en me tenant à l'écart ils ont feuilleté mes images. Ils pestaient contre la lenteur de l'appareil (un modèle ancien) et pour des raisons qui m'ont échappé ont donné beaucoup de signification à la taille de mes cartouches mémoire. "Est-ce que vous prenez des photos d'enfants ?", "Est-ce que vous mettez vos photos en ligne ?", ils m'ont interrogé à répétition. Finalement ils sont tombés sur une photo avec enfants, une photo de famille avec tout les cousins alignés sagement devant la porte d'entrée de leur maison. Leur sursaut de triomphe : "des enfants !" s'est trouvé contrarié par la banalité de la prise de vue. Ils ont téléphoné au commissariat pour vérifier si je suis fiché, j'imagine que quelqu'un là-bas a vite fait un tour sur "Joetopia" à la recherche de matériel litigieux. Finalement, on m'a rendu l'appareil en me disant : "Monsieur, vous êtes un pervert. J'aimerai vous mettre en garde à vue, mais malheureusement la loi est de votre côté".

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